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Thérapeutique du Reflux Gastro-Oesophagien (RGO)
Le reflux itératif ou permanent du contenu stomacal constitue de par son volume ou son degré d'acidité un état morbide dont le risque majeur est le développement d'une sténose peptique du bas-oesophage.
Il s'agit le plus souvent
d'un reflux mineur - cliniquement ou radiologiquement évident - susceptible
de régresser spontanément au cours des premiers mois de la vie.
Mais sa persistance en dépit du traitement médical, son retentissement sur l'état
trophique de l'enfant, ou son expression autre que disgestive imposent le recours
à un acte chirurgical actuellement bien codifié.
Le reflux gastro-oesophagien à ' risque peptique ' relève nécessairement d'une chirurgie souvent agressive et aux résultats inconstants.
Le souci de distinguer ces
profils anatomo-évolutifs (reflux physiologique, résiduel, peptique...) et leur
corollaire thérapeutique (suivi médical ou cure chirurgicale), ont donné lieu à la mise au point de nombreux outils didentification ( endoscopie,
radiocinéma,
PHMétrie, manométrie,isotopie...). Bien que les résultats ne soient
pas dans lensemble concluants, les progrès enregistrés par ces investigations
ont contribué à une meilleure compréhension de la physiologie de cette zone
frontière.
Nous envisageons dans ce qui suit un rappel des notions physio-pathologiques actuellement admises, nous aborderons ensuite le traitement du RGO isolé et enfin nous évoquerons la thérapeutique du difficile problème qu'est le reflux compliqué d'oesophagite et de sténose peptique.
Eléments anatomo-physiologiques
La jonction oeso-gastrique ou cardia
correspond au bas oesophage depuis la traversée du diaphragme jusquà labouchement
stomacal (cardia), et ce sur une longueur variant de 1 à 3 cm selon Iâge.
Unique frontière du tube digestif dépourvue dun sphincter anatomiquement
individualisable, elle est cependant le siège dune activité tonique dont
le relâchement - bref et intermittent - permet le passage du bol alimentaire
vers l'estomac, ainsi que le reflux physiologique du trop-plein
au cours des contractions stomacales.
Cette physiologie est le résultat de l'intrication de nombreux facteurs dont
les mieux connus sont:
Lactivité tonique du bas-oesophage, résultante de ces multiples facteurs, est intermittente, elle se relâche durant de brefs instants à la faveur de la cinétique du diaphragme, des fluctuations des pressions thoraciques et abdominales, des changements de posture et principalement lors des contractions de l'estomac, donnant lieu à un reflux physiologique.
Fermeture et relâchement du cardia constituent les deux composantes de ce que les physiologistes anglo-saxons désignent par le terme de "compétence" cardiale, processus modulateur de la vidange de l'estomac et du jeu de la pompe antro-pylorique, ces deux zones-frontières jouent en alternance. A cet égard, la dynamique du bas-oesophage réalise une soupape de décompression, le reflux physiologique, fait d'air (rot) ou de liquide (éructation), est inoffensif pour lesophage en raison de son faible volume et de sa durée très brève, son acidité est dans ces conditions aisément neutralisée par le pouvoir protecteur de la muqueuse oesophagienne.
Eléments anatomo-pathologiques
Le RGO morbide est un reflux massif et permanent, donc nocif pour la muqueuse oesophagienne. Le facteur déclenchant semble être la briéveté de l'oesophage abdominal. La malposition du cardia, en situation hiatale ou sus-diaphragmatique, soustrait la jonction oeso-gastrique à l'effet compressif de la pression intra-abdominale et l'expose à l'environnement du médiastin où règne une pression négative. Dans ces conditions, les facteurs de la continence cardiale deviennent inopérants en raison de la béance du cardia, de la plicature des tuniques oesophagiennes et de l'inhibition du tonus propre. Le reflux physiologique, bref et intermittent, se transforme en reflux permanent et massif, les intervalles de vidange s'espacent, la pompe antro-pylorique se désamorce et le contenu gastrique reflue vers loesophage à loccasion dun effort ou dun changement de posture. La muqueuse oesophagienne, baignant en permanence dans un milieu acide, épuise son pouvoir protecteur; linfiltration oedémateuse qui en résulte accentue linhibition du tonus de base, rétracte et relâche encore plus le cardia majorant ainsi le reflux.
L'installation de cet état
auto-entretenu donne lieu à plusieurs éventualités.
- La plus favorable est la guérison spontanée par migration du cardia en position
sous-diaphragmatique; ce processus de maturation cardiale a lieu au cours des
premiers mois de la vie.
- Parfois, il sagit dune pneumopathie par inhalation avec constitution
d'un état pseudo-asmathique ou de foyers septiques.
- Enfin, un enfant sur dix développera une oesophaqite susceptible de devenir
sténosante.
Plusieurs aspects anatomiques assimilables à des stades évolutifs reflètent ces transformations identifiables radiologiquement:
a |
b |
c |
d |
e |
f |
Eléments de diagnostic
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Jonction normale: cardia sous-diaphragmatique et tonique |
L'endoscopiste expérimenté en est mesure de distinguer le reflux physiologique dun reflux morbide, dévaluer son importance et létendue des remaniements, dobserver la dynamique du couple cardia / pylore, etc...
Thérapeutique du RGO isolé découvert précocement
Elle répond à trois préoccupations:
La première éventualité justifie le recours à lépreuve médicale. Quand elle nest pas concluante ou si l'importance et l'agressivité du reflux sont cause d'hypotrophie ou d'oesophagite peptique, la cure chirurgicale est alors impérative.
Modalités thérapeutiques
A) Lépreuve médicale, basée sur l'hypothèse d'un retard de maturation physiologique du bas-oesophage, a donc pour but de neutraliser ou de réduire le reflux le temps que la migration du cardia atteigne son terme et qu'elle permette aux facteurs anatomo-physiologiques de la continence cardiale d'harmoniser leurs actions. Il sagit plus dune discipline hygiéno-diététique que dune médication; elle comporte :
Cette épreuve hygiéno-diététique doit être maintenue durant six semaines à douze semaines. Bien conduite, elle améliore la plupart des cas de reflux isolé découvert précocement. Toutefois, son efficacité n'est pas absolue même quand la famille applique à la lettre les mesures prescrites. | |
Reflux massif soumis à l'épreuve diététique |
Résultat satisfaisant contrôlé six mois plus tard |
La guérison est reconnue quand les symptômes sestompent au fur et à mesure
de lallégement des contraintes de lépreuve, elle doit être vérifiée
au contrôle radio-endoscopique. Souvent, on a la surprise de noter la persistance
d'un reflux résiduel asymptomatique, mais il est des cas où ' le génie ' évolutif
du RGO a déjà donné lieu à une oesophaqite active sans quon puisse incriminer
une défaillance dans le suivi du programme médical prescrit .
La persistance du
reflux ou l'installation imprévisible d'une oesophagite reflètent les limites
de cette épreuve et incitent à préciser:
a/ si le reflux résiduel asymptomatique est assimilable au reflux physiologique,
et
b/ quels sont les critères objectifs qui permettent d'identifier à temps
le type de RGO initiateur d'une oesophagite.
B) La cure chirurgicale
consiste à abaisser le cardia en position sous-diaphragmatique et à ly
maintenir afin que le segment oesophagien soumis à la pression intra-abdominale
soit le plus long possible. Ce temps principal gagne à être étayé par un
artifice technique (montage anti-reflux, retrécissement du hiatus, pyloroplastie...)
propre à sopposer au reflux du trop-plein gastrique.
Cest
à Nissen quon doit le premier procédé original pratiqué chez lenfant,
il consiste à cravater le bas-oesophage par la grosse tubérosité (fundoplicature).
La barrière opposée ainsi au reflux du contenu gastrique est réelle et efficace, mais non exempte d'ennuis - mineurs - dont la prévention a donné lieu à la mise au point de quelques variantes (hémi-valve antérieure, postérieure, ...). |
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Fundoplicature de Nissen | Hemivalve postérieure |
Il est sage de compléter cette fundoplicature par une pyloroplastie afin de prévenir le risque dune stase gastrique post-opératoire, conséquence dun dysfonctionnement de la pompe antro-pylorique, dun spasme préexistant ou dune lésion iatrogène des pneumogastriques.
C) Les indications thérapeutiques
Lépreuve hygiéno-diététique est de principe dans tous les cas de RGO découvert avant lâge de six mois ; elle reste utile comme étape préparant à la cure chirurgicale. Celle-ci n'est donc indiquée qu'en cas déchec de lépeuve médicale, ou quand le reflux est découvert au-delà du douzième mois, ou en cas d'aggravation de l'état physique (dénutrition, pneumopathie incontrôlable, oesophagite active).
Les complications de la cure chirurgicale
*La récidive de la malposition cardio-tubérositaire reproduit les symptômes initiaux après un temps de latence. Elle est due au lâchage du montage anti-reflux et/ou des moyens d'amarrage de la jonction,éventualité aisément confirmée par le contrôle radiographique.
- le reflux résiduel assimilable au reflux physiologique sur la base des critères signalés plus haut; il relève dun suivi médical au rythme régulier et contrôlé ;
- le reflux massif et morbide, source de pneumopathie, de dénutrition ou doesophagite, quelle qu'en soit l'expression; l'intervention est impérative et le plus tôt possible.
Le risque d'un étranglement est réel et doit inciter à réintervenir. |
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Hernie para-oesophagienne post-Nissen |
Prise en charge des complications évolutives
Le développement dune oesophagite active ou d'une sténose rétractile sont les risques majeurs et imprévisibles du ROG. Il ne s'agit pas dune succession de stades anatomo-cliniques, loesophagite peut évoluer longtemps sans donner lieu à une dysphagie, de même la sténose peut s'installer très rapidement sans stade d'oesophagite bruyante, particulièrement chez le tout-petit.
Cette sténose peut rester limitée, en forme de virole sus-cardiale, ou intéresser tout l'oesophage sous-aortique donnant lieu à un brachy-oesophage avec dilatation d'amont dont l'image radiologique peut faire errer le diagnostic. Plus bas, les repères anatomiques s'estompent, on ne discerne plus, ni sur les clichés ni en per-opératoire, les composantes du bas-oesophage. | |
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Sténose cardiale |
Sténose étendue avec blocage |
L'inflammation oesophagienne majore ou masque les symptômes habituels du
reflux, tels lagitation lors des tétées ou du sommeil, les vomissements
teintés de sang, le teint de plus en plus pâle, la courbe de poids qui stagne,
la fréquence des épisodes pneumopathiques... Linstallation chez lenfant
dune dysphagie entrecoupée dépisodes de blocage - signe de sténose
- exacerbe l'angoisse de la famille.
Lexamen radiologique précise le type de remaniements et son étendue,
mais cest lendoscopie qui permet dapprécier et de suivre
de visu limportance des lésions, le degré de souplesse du bas-oesophage,
elle seule permet de distinguer un spasme dune sténose vraie, elle
aide à faire la part entre l'obstacle souple et perméable et la barrière
scléreuse et infranchissable.
Les modalités thérapeutiques:
Lapproche thérapeutique de ces états particulièrement morbides n'est pas une tâche aisée, les divergences d'opinion, l'embarras du choix du procédé adéquat reflètent la complexité des situations et incitent à ne pas généraliser et à raisonner cas par cas.
a.
L'opération de Nissen est dans ces cas le meilleur procédé de contrôle
du reflux. Elle est d'exécution plus laborieuse quand la région hiatale
est remaniée ou quand loesophage manque d'étoffe et de souplesse.
Elle gagne à être complétée d'une pyloroplastie et d'une gastrostomie
avec ou sans jéjunostomie d'alimentation selon l'état trophique de l'enfant.
Lindication dune vagotomie complémentaire est discutable. |
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Ulcus peptique avec remaniement du bas-oesophage | Résultat post-Nissen deux ans plus tard. |
b. Les procédés de transposition sont envisageables dans
deux conditions:
+ la transposition antérieure du hiatus permet de placer
un cardia inabaissable n situation sous-diaphragmatique (procédé de Merendino);
+ la transposition intra-thoracique de la grosse tubérosité
à travers le hiatus élargi quand la jonction est rétractée et indissécable;
on crée ainsi une hernie
partielle de l'estomac dont le risque de reflux
peut être prévenu par une fundoplicature intra-thoracigue.
c. Les oesophagoplasties se répartissent en deux groupes, selon que l'on procède ou non à l'ablation du bas-oesophage:
+les
plasties avec conservation de la jonction oeso-gastrique réalisent soit une
myotomie longitudinale extra-muqueuse (type Hecker) en vue d'assouplir une sténose
limitée;
soit une oesophagotomie d'élargissement
protégée par la grosse tubérosité selon la technique de Thal, soit enfin le
court-circuitage de la jonction réalisant une anastomose oeso-fundique
damont en latéro-latérale (procédé de Hecker).
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Oesophago-plastie
Colique |
Les indications chirurgicales :
Ceci étant, l'apparente simplicité de la démarche thérapeutique que nous proposons ne doit pas faire sous-estimer la complexité des situations quil faudra gérer cas par cas.
- la sténose en virole sus-cardiale peut être levée par résection et rétablissement de la continuité quand elle ne dépasse pas 2 cm, ladjonction dune plastie type Merendino est utile. On peut lui préférer une plastie de Thal ou le court-circuitage de Hecker.
- la sténose étendue nécessite la résection suivie dune anastomose oeso-gastrique intra-thoracique ou de linterposition dun greffon colique.