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ATRESIE de L'OESOPHAGE

L’atrésie de l’oesophage est l’absence congénitale d’un segment du tube digestif thoracique, très souvent associée à une fistule oesotrachéale.
L’obstacle oesophagien est source d’encombrement du pharynx et de fausse route. Mais c'est l’aspiration du contenu gastrique à travers la fistule oesotrachéale qui constitue le facteur déterminant dans le développement des foyers de nécrose pulmonaire, point de départ de l’état septicémique.
Les progrés enregistrés ailleurs en matière de néonatalogie a réduit considérablement la mortalité liée à cette malformation. Ce n’est pas encore le cas de nombreuses Unités pédiatriques où l’hécatombe - qui élimine jusqu’à 80% des cas - est pour une grande part liée aux conditions de la prise en charge périnatale.

1-Le tableau clinique est assez évocateur chez ce nouveau-né à la bouche encombrée de salive, et qui est sujet à des accès de suffocation à chaque tétée.
Une sonde molle passée à travers la narine butte contre l’obstacle à une dizaine de cm en aval. Souvent, on a l’impression qu’elle passe librement, alors qu’elle s’enroule au fond du cul de sac oeophagien, d’autant plus que l’aspiration ne ramène pas de liquide gastrique, de même l’injection d’air ne produit non plus de gargouillement audible au niveau de l’épigastre.

La radiologie confirme la réalité de l’atrésie.
* un simple cliché de profil centré sur le la base du cou montre le refoulement plus antérieur de la trachée par le bout proximal de l’oesophage distendu.


* en vues de face puis de profil, l’opacification au Micropaque ou à la baryte stérile dessine le fond du cul de sac oesophagien et précise son niveau par rapport au rachis et à la bifurcation trachéale, il se situe habituellement à la hauteur de D2 et au dessus de la caréne. On apprécie à l’occasion l’état des poumons, la morphologie de la colonne, l’ombre cardiaque et la répartition de l’air dans le tube digestif.

      

Le bilan clinique général évalue, outre le degré du retentissement pulmonaire et de l’état systémique, les stigmates d’une anomalie associée ( imperforation anale, cardiopathie, aberration chromosomique, le syndrome plurimalformatif type VATER  1 ..); on apprécie enfin le degré de maturité ( poids, âge de la grossesse, hydramnios, conditions périnatales).

2- Données anatomiques:

* La classification 2 adoptée est celle de Ladd dont le type III - le plus fréquent- est pris comme exemple dans cette étude.
* La pauvreté vasculaire 3 de l’oesophage distal, et l’étendue du segment atrésique interviennent pour une bonne part comme facteurs de morbidité postopératoire ( fistulisation, lâchage, stenose cicatricielle... ).
* Bien qu’il soit d’exécuti
on délicate, l’abord de l’oesophage thoracique par voie rétropleurale est anatomique et plus sûr; il prévient l’extention d’une éventuelle infection médiastinale. La voie transpleurale est conseillée en cas de réinterventions.

3- Modalités thérapeutiques:

La cure de l’atrésie de l’oesophage est laborieuse et complexe. Elle comporte deux volets aussi déterminants l’un et l’autre comme facteurs de succès :
* La prise en charge, au sens large, consiste à préparer le nouveau-né à une intervention majeure, en tenant compte du terrain, des critères de risque, et à assurer les conditions de confort physiologiqiue et nutritionnel jusqu’à la cicatrisation des plaies opératoires. La disponibilité et la qualité de ces soins primaires - qui sont affaire avant tout de discipline plus que de moyens matériels - sont le lot de l'équipe soignante motivée et éduquée dans le respect des règles d’aseptie, de l’économie des gestes, et de la prévention des facteurs aggravants tels l’hypothermie, la promiscuité, les manoeuvres agressives, l’hygiène routinière,...

* Le volet chirurgical a pour objectifs de contrôler le reflux gastrotrachéal puis d’établir la continuité anatomique de l’oesophage. Ces deux interventions gagnent à être menées en un seul temps opératoire quand les conditions physiques et anatomiques sont favorables; sinon, on se concentre dans l’immédiat sur l’élimination du reflux, dans l’attente de conditions meilleures pour mener à bien l’oesophagoplastie.

3-1 La préparation préopératoire assure:
* l’aspiration répétée du carrefour aéropharyngé, en évitant toute manoeuvre agressive qui ferait saigner ou irriter l’enfant dont l’agitation aggrave le reflux gastrotrachéal.
* la prévention de l'hypothermie
4 par emaillotage; les meilleures conditions sont réalisées par l’usage de la couveuse dont l’athmosphère humidifiée et chauffée permet de maintenir la température corporelle à 36° ainsi que le débit d’oxygène au-dessous de 40%.
* La mise en place d’un cathéter veineux central à travers la veine saphène ou ombilicale, après avoir prélevé les échantillons pour la biologie et démarré une réhydratation 5 adaptée.
* le recueil des urines dans un sachet,
* le maintien tête surelevée et bras maintenus éloignés des tubulures.

3-2 L'anesthésie 6 comporte une phase des plus délicates, celle de l’intubation. En effet, l’antéposition du larynx du nouveau-né rend laborieuse la mise en évidence de la glotte, et le risque d’une fausse route est réel. L’intubation du bout proximal peut déchirer du cul de sac; plus grave est l’intubation de la fistule oesotrachéale , manoeuvre qui asphyxie l’enfant. La sonde, sans oeillet latéral, est glissée dans la trachée avec douceur; l’auscultation des champs pulmonaires et de la région épigastrique permet de positionner son extrémité à mi-chemin entre l’orifice de la fistule et la caréna.

3-3 L’étape chirurgicale proprement dite a pour objectif en premier lieu l’élimination ou tout au moins le contrôle du reflux oesotrachéal, suivi durant la même séance opératoire ou lors d’un temps ultérieur de l’établissement de la continuité de l’oesophage.

4- Les indications thérapeutiques.

Les critères d’ordre pronostique établis par Waterston7 il y un demi-siècle restent d'actualité, ils distinguent:
* les cas qui relèvent d’un traitement radical en un seul temps ( groupe A: enfants vigoureux, de poids de naissance supérieur à 2500 gr, sans anomalie associée ni pneumopathie), * * de ceux qu’il serait sage de traiter en plusieurs temps (groupe B: nouveau-nés de poid limite, infectés ou porteurs d’une anomalie surajoutée).
* Quant au groupe C, celui de bébés immatures, ou polymalformés, à l’état physiologique instable, il ne relève que de geste salvateurs mineurs sans prétention.
Cependant, quand les structures sanitaires sont insuffisantes ou mal adaptées, les défauts de dépistage et du transfert des nouveau-nés à risque fait qu’on observe rarement les cas appartenant aux groupes extrêmes ( A & C ); on a affaire plutôt à un groupe intermédiaire où prédominent des bébés orientés vers le milieu spécialisé avec un retard de plusieurs heures ou jours, c’est à dire à un stade où les conséquences morbides de l’atrésie se sont déjà développées, et pour lesquels toute tentative de cure radicale est exclue dans l’immédiat. Aussi, sommes-nous d’avis de distinguer:
* le cas « idéal » - celui qui est en mesure de supporter un acte chirurgical majeur, qu’il soit radical ou non;
* de celui dont l’état général incite à se préoccuper avant tout de sa déficience nutritionnelle, de l’atteinte pulmonaire et de l’état septicémique qui en découle.

4-1 Priorité est donnée au contrôle de la fistule oesotrachéale, principal facteur de détresse.
La gastrostomie est pratiquée en urgence, quelque soit l’état de l’enfant, sous anesthésie locale si nécessaire; elle doit être équipée de deux sondes, l’une d’alimentation, pousséee au-delà du pylore, l’autre, de décompression est connectée à un bocal à moitié-plein d’une solution aseptique.

4-2 Le cas « idéal » - celui du nouveau-né pris en charge dès sa naissance, vigoureux et mature, sans autre anomalie, est transféré après une brève préparation en salle d’opération où on procède aux trois temps principaux: la gastrostomie suivie de l’abord du médiastin postérieur, la ligature de la fistule oesotrachéale et la préparation des bouts oesophagiens pour une éventuelle anastomose. A ce stade, on se trouve confronté à l’une des trois situations suivantes:


        * L’anatomose est réalisable: les extrémités du segment atrésique sont aisément rapprochables, l’établissement de la continuité est ainsi obtenue sans tension.
        * L’anastomose est possible: l’écart entre les bouts est réductible, mais au prix d’un certain degré de tension. On dispose dans ce cas de plusieurs « astuces » permettant de soulager les sutures ( procédé de Haight  8 , Livaditis 9 , paralysie du segment proximal...) tout en sachant que les suites pourraient être perturbées par le développement d’une fistule, d’un lachage ou d’un retrécissement cicatriciel.
       * L’anastomose est irréalisable: L’écart entre les bouts est tel qu’il est impossible de les mettre au contact. L’oesophagoplastie est remise à plus tard, sous couvert des deux stomies, gastrique et pharyngienne.


4-3 Le cas critique, celui de l’enfant vu tardivement, au stade septicémique, ou de celui qui est porteur de malformations surajoutées - principalement cardiaque -, l’acte chirurgical se limite à l’exclusion de la fistule oesotrachéale à l’aide d’une pharyngostomie et de la gastrostomie. La décompression de l’estomac et le maintien de l’enfant en position tronc surelevé réduisent considérablement le reflux, dans l'attente del’évolution souhaitée et de la stabilisation des fonctions vitales pour envisager l’abord transmédiastinal de la fistule et éventuellement la cure de l’atrésie.

5- Les complications:

Les dix premiers jours post-opératoires constituent la période critique durant laquelle peuvent survenir des événements d’une extrême gravité comme le lâchage des sutures pratiquées sur l’oesophage ou la trachée. Par contre, les ennuis qui se manifestent au-delà du premier mois sont d’ordre mécanique, ils sont en relation avec la qualité de la plastie oesophagienne ou son retentissement sur les organes avoisinants; bien qu'ils évoluent sur un mode moins dramatique, leur prise en charge nécessite un suivi rigoureux étalé sur plusieurs mois.

5-1 Le lâchage de l’anastomose oesophagienne survient au cours des cinq premiers jours , il se manifeste par une détresse respiratoire avec collapsus rapidement fatal en l’absence de tout geste salvateur. La constatation radiologique d’un épanchement médiastinal associé ou non à un pneumothorax incite à intervenir en extrême urgence afin:
        * d’exclure l’oesophage par une double stomie, pharyngienne et gastrique, cette dernière doublée d’une jéjunostomie d’alimentation;
        * de drainer le médiastin et éventuellement la cavité pleurale.
        * et de couvrir par une médication associant antibiotiques à large spectre et corticoides. Si l’enfant survit, la réintervention sur l’oesophage sera entreprise par voie transpleurale, quelques semaines plus tard.

La prévention de cette redoutable complication incite à:
        * accomplir les gestes opératoires avec le maximum de douceur,
        * préférer l’abord rétropleural qui limite au médiastin le risque d’épanchement,
        * renoncer à l’anastomose si l’écart est de plus d’un cm.
        * utiliser le procédé de Haight ou tout autre qui comporte deux plans de suture, muqueux et musculaire.
        * réduire la tension appliquée sur l’anastomose par paralysie de la musculature du segment proximal, ou tout simplement par son amarrage au
          fascia prévertébral (Swenson)
        * éviter la sonde tutrice à demeure qui exacerbe l’oédeme, ainsi que les tentaives de dilatation avant la fin du premier mois

5-2 La fistulisation:
on lui reconnait, à un moindre degré, les mêmes causes que pour le lachage. D’autres facteurs interviennent, tels les noeuds trops serrés, l’usage de matériel traumatisant (pinces à griffes, aiguille triangulaire, fil épais...) Mais l’infection locale est et reste le principal facteur de risque.
La fistule peut être large et donner lieu à l’inondation du médiastin avec détresse repiratoire et développement d’une cellulite extensive. Elle peut être minuscule avec la constitution d’un foyer médiastinal à bas bruit. La confirmation est radiologique après ingestion de produit opaque, ou bien par endoscopie. L’inondation médiastinale est une urgence qu’on doit aborder comme s’il s’agissait d’un lâchage complet.
Quant aux fistulettes, elles peuvent s’oblitérer spontanément au bout de quelques semaines.

5-3 La reperméabilisation de la fistule oesotrachéale est aussi grave que le lachage de l’anastomiose. On lui reconnanit plusieurs causes:
        * la ligature simple de la fistule,
        * le développement d’une médiastinite,
        * la contiguite de l’anastomose oesophagienne à l’implantation trachéale de la fistule dont le bout aura été laissé en place sous forme de diverticule.
Elle se manifeste par une détresse respiratoire d’installation brutale lors d’une tétée, la distention épigastrique, parfois la mort subite. La visualisation endioscopique de la fistule est difficile et laborieuse, elle nécessite l’instillation intraoesophagienne de bleu de méthylène, le bout distal étant obturé par le ballonnet d’une sonde de Foley.
Le traitement est affaire de cas particulier:
        * en l’absence d’un foyer médiastinal et si l’état général le permet, la fistule est abordée directement par thoracotomie.
        * sinon, on aveugle l’orifice trachéal, et on exclue l’oesophage sous couvert d’une pharyngostomie, du drainage médiatinal, et d’une jéjunostomie
         d’alimentation, la gastrostomùie sera maintenue pour éviter le reflux.

5-4 Le retrécissement anastomotique s’observerait dans la moitié des cas. Il faut distinguer le retrécissement constaté au terme du premier mois, du retrécissment tardif.

* Le retrécissement précoce est étendu en hauteur. Il est le resultat de la sclérose périoesophagienne à partir d’un foyer de nécrose, ou d’une oesophagite peptique induite par le reflux gastro-oesophagien, ( la béance du cardia étant due dans ce cas à la mobilisation excessive du bout distal).


* Le retrécissement tardif est limité, sans sclérose périphérique; il est lié au procédé anastomotique, la multiplication des plans semble être une des causes.

Quelque soit le type, la symptomatologie est faite d’un stridor lors des tétées,de dysphagie, d’encombrement trachéobronchique, de blocage de corps étranger et progressivement d’anémie et d’hypotrophie.
La confirmation est radiologique ou endoscopique, celle-ci permet par ailleurs d’apprécier l’étendue et la souplesse du segment rétréci. Le retrécissement est qualifié de modéré quand il laisse passer un oesophagoscope de 4 mm, il est sévère quand il bloque le passage à une sonde filiforme.


* Le retrécissement modéré et souple ne nécessite pas de manoeuvre thérapeutique.
* Le retrecissment de moins de 4 mm de diamètre relève de bouginage bihebdomadaire jusqu’au passage aisé d’une bougie #Ch14.
* Enfin, l'appréciation du devenir de l'oesophagite peptique n'est possible qu'au prix de la mise au repos de l’oesophage, l’enfant sera alimenté par gastro ou jejunostomie. Ce n'est qu'après stabilisation des lésions - après plusieurs mois d'évolution - qu'on sera en mesure de proposer une thérapeutique palliative ( dilatation) ou radicale ( oesophagoplastie...).