Abdomen aigu fébrile
Sanaa âgée de 04 ans est admise en urgence pour une détérioration de l'état général due à des vomissements et arrêt du transit sur un fond fébrile & hyperalgique, tableau rapidement aggravé
Bilan clinique: L'enfant est pâle, dyspnéique, anxieuse, les yeux excavés et cernés, fébrile et geignant à chaque inspiration. L'abdomen est météorisé, hypersensible de façon diffuse, les téguments sont fins et secs, le pli cutané persistant. L'ausculatation abdominale décèle quelques mouvements péristaltiques. La vulve est propre, le TR, douloureux ramène quelques matières glaireuses. La gorge est rose, les urines émises spontanément sont foncées et de faible quantité (50ml). L'ausculation thoracique est normale. La famille rapporte un épisode de rhinopharyngite quelques semaines auparavant. L'enfant est vaccinée et contrôlée régulièrement. TA 08/05, pouls 120, température rectale 39°. Le lavement au sérum salé et tiédi ramène des selles jaune-sale.
Données biologiques et cliché obtenus à l'admission:
Hématies:
3260000
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Questionnaire:
1. Quels renseignements peut-on tirer du bilan biologique
et du cliché radiologique?
2. Que proposer comme investigations supplémentaires utiles pour compléter ce bilan?
3. Sur la base des élements disponibles, quel diagnostic peut-on évoquer?
4. Quelle conduite thérapeutique doit-on entreprendre en premier lieu?
III. Réponses
Avant toute discussion, éviter dorénavant la pratique du TR chez l'enfant, c'est un geste obligatoirement douloureux, agressif et himiliant, de plus il n'apporte aucun renseignement utile.
1-a.
* L'hyperleucocytose avec polynucléose supérieure à 75% reflète l'existence d'un foyer
septique en évolution (VS à 120mm) avec collection de pus.
* L'anémie hypochrome serait liée à l'état septicémique ou à un choc chronique.
* On remarque les stigmates d'une deshydratation due aux vomissements et à l'existence du
3° secteur avec alcalose métabolique (dépleton en Na+ et K+, élévation de la RA et
hypochlorémie).
En conclusion, le bilan biologique traduit un état septique en évolution, avec
perturbation sérieuse du milieu intérieur.
1-b.On note sur ce cliché d'abdomen sans préparation pris de face et en
position orthostatique de nombeux niveaux hydroaériques disposés au-dessus d'une
grisaille pelvienne, l'épaississement des parois iléales distendues, et le flou des
gouttières pariétocoliques. En somme, en somme il s'agit d'un iléus inflammatoire avec
un un abondon épanchement.
2. Une radiographie du thorax serait utile, sachant qu'une pneumonie débutante peut se manifester à cet âge par des symtômes d'emprunt abdomino-digestifs à type de coliques et d'irritation péritonéale. Des clichés contrastés (lavement baryté, TOGD) ne se justifient pas; l'hypersensibilité de la paroi abdominale interdit le recours à l'échographie ainsi qu'à l'irrigation-drainagetranspariétale chez cette fillette affaiblie.
3.
* L'occlusion mécanique suppose l'arrêt total du transit.
* L'adénolymphite mésentérique est très peu explicite, les douleurs abdominales sont
vagues, pseudo appendiculaires, avec pas ou peu de retentissement sur l'état général.
* La septico-pyohémie touche sévérement de nombreux organes, les symptômes digestifs (
iléus, distension, épanchement, subictère...) ne sont qu'un épiphénomène d'un
tableau très polymorphe tout comme les symptômes méningés, péricardiques,
pleuropulmonaires, rénaux, ostéoarticulaires...
* On retiendra donc l'éventualité d'une péritonite. L'anamnèse, les symptômes
généraux, physiques et paracliniques ne sont pas en faveur d'une étiologie spécifique,
tuberculeuse ou typhique.
* L'absence de symptômes localisés initialement à la FID, la non prédominance des
signes physiques à ce niveau, la grisaille pelvienne surmontée d'anses distendues et aux
parois épaissies, l'importance de la leucocytose et de la VS, sont autant de symptômes
en faveur d' une péritonite primitive.
4.
Il s'agirait donc d'une péritonite primitive en pleine évolution avec déshydratation
prononcée et état d'alcalose métabolique mettant en jeu la vie de l'enfant, troubles
qu'il faut corriger en premier lieu et sans tarder, tout en s'efforçant de contrôler la
pullulation microbienne et - occasionnellement - de débarrasser la cavité péritonéale
des effets de l'inflammation. La pose d'une sonde naso-gastrique, poussée au-delà du
pylore permet de réduire la distension abdominale et aider à la reprise du
péristaltisme.
IV. Observation (suite):
Le peu d'amélioration clinique enregistré après six heures de mise en observation a
incité à entreprendre l'exploration chirurgicale.. L'appendice, les annexes, la
dernière anse et l'étage sus-mésocolique sont recouvertes de fausses membranes.
L'épanchement pelvien, abondant, est épais et nauséabond. La libération des anses
agglutinées a entrainé quelques aires de dépéritonisation. La toilette péritonéale
fut suivie d'une entéro-plicature à la manière de Childs-Philips et le drainage du
Douglas. La culture du pus a fait pousser du pneumocoque, sensible a l'Ampicilline,
Thiophénicol, Vibra et Erythromycine 1 . Les suites furent
simples.
Questionnaire (suite):
5°. Quels sont les modalités de développement et les
critères pronostiques d'une péritonite primitive?
6°. Dans quelles conditions l'exploration chirurgicale est de mise?
7°. L'entéroplicature est-elle justifiée dans ce cas?
VI°. Commentaires:
5°.
*A priori, l'hypothèse d'une propagation microbienne à partir d'un foyer juxta-abdominal
est la plus probable. Il est fréquent de retrouver dans les antécédents des épisodes
de pneumopathie, d'entérocolite, d'infection rénale ou génitale. Dans ces cas la
propagation à la séreuse péritonéale emprunterait la voie lymphatique via le
diaphragme, la paroi abdominale, le mésentère, ou par contiguité (voie génitale).
Cette dernière éventualité semble étayée par la fréquence de ce type de péritonite
chez les fillettes (16 filles/1garçon dans une de nos séries) et par la parenté des
germes en cause dans les prélévements abdominal et génital.
* Cependant, la voie hématogène est la règle dans la plupart des cas. Le foyer initial peut être un des organes cités plus haut, ou une rhinopharyngite ou au décours d'une fièvre éruptive. Souvent les germes retrouvés dans l'hémoculture sont de la même souche que ceux identifiés dans l'épanchement péritonéal. Par ailleurs, la voie hématogène explique le mode d'expression de la péritonite primitive qui retentit autant sur la séreuse péritonéale que sur l'état général, alors que la propagation par contiguité sur un terrain qui se défend bien resterait circonscrite et serait susceptible de rétrocéder. Enfin, ce mode de propagation expliquerait la discordance entre la grande fréquence des infections pulmonaires, entérales, urogénitales chez l'enfant et la rareté des péritonites primitives.
* L'inflammation porte sur les deux principales fonctions de l'epithélium péritonéal, résorption et sécrétion, perturbant l'une et exacerbant l'autre. Le libre passage de toxines dans la circulation entraine les réactions générales allant de la fébricule au syndrome malin; par ailleurs, la production d'un épanchement riche en fibrine et en toxines exacerbe le processus de séquestration des germes (fausses membranes) tout en inhibant le péristaltisme (iléus inflammatoire).
* Les péritonites primitives se développent souvent sur
des organismes affaiblis par une insuffisance hépatocellulaire (cirrhose
post-nécrotique), par un syndrome néphrotique ou à la suite d'une splénectomie.Les
germes habituellement en cause sont le streptocoque, l'entérocoque et le pneumocoque.
Le streptocoque est retrouvé dans les 2/3 des cas, la réaction générale est à
son comble (fièvre, anémie, collapsus), l'épanchement est important, la diffusion
rapide très riche en dépôts fibrineux, l'évolution est imprévisible.
La péritonite à entérocoque est rare et de pronostic réservé en raison de son
expression pseudochoélérique.
La péritonite à pneumocoque (30% des cas) est remarquable par l'épanchement
intrabdominal épais et le développement de fausses membranes qui isolent des poches de
pus. Ce type de péritonite est remarquable aussi par un début brutal suivi d'une
accalmie durant un à deux jours puis de nouveau une exacerbation des symptômes
abdominaux et généraux. Une telle évolution stéréotypée doit faire penser à ce type
de péritonite qui ne nécessite pas d'exploration chirurgicale en raison de l'évolution
très favorable sous antibiothérapie. Sa bénignité ne doit pas toutefois faire oublier
qu'elle constitue une complication redoutable chez un patient néphrotique soumis à la
corticothérapie.
6°A notre avis, la laparotomie exploratrice doit être entreprise si les symptômes ne s'amendent pas au bout de 24heures, ou bien quand la symptomatologie est équivoque.
7° L'entéroplicature a pour but de guider les adhérences
post-opératoires afin que le transit iléal reste perméable, Bien qu'elle soit rarement
envisagée lors d'une première intervention, ce moyen préventif se révèle très utile
quand on est confronté à des anses iléales dépéritonisées et exposées à un
environnement inflammatoire. Techniquemernt, le meilleur procédé est celui dont
l'exécution est la plus simple, le plus économe en temps opératoire et le moins
agressif.
* A cet égard, l'entéroplicature de Childs-Philips est à conseiller chez l'enfant. Elle
consiste à disposer le grêle complétement libéré en une dizaine d'anses solidarisées
les unes aux autres au niveau de leur mésos à l'aide de points au catgut chromé #2 en U
noués très lâches.
* Le procédé de Noble, d'éxécution plus laborieuse, solidarise les anses par un surjet
passé le long du bord libre de l'intestin.