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Vomissements lactés

I. Observation:

Rabi, nourrisson de cinq semaines est admis en urgence pour une altération sérieuse de l'état physique consécutive à des vomissements post-prandiaux installés depuis une dizaine de jours. Premier enfant d'un jeune couple de conditions modestes, il est né à terme, en maternité, avec un poids de 3300 gr, & allaité au sein. La mère ne rapporte pas d'antécédents gravidiques ni périnataux.

Bilan clinique:
Le bébé est chétif, affamé, aux yeux excavés et subictériques, les commissures labiales gercées, la fontanelle est nettement déprimée, la muqueuse buccale humide, la peau fine et sèche garde le pli. L'épigastre est distendu et parcouru d'ondulations, la palpation appuyée de l'hypochondre droit ne décèle rien de particulier, mais elle est suivie d'un jet de vomis lacté. L'abdomen est souple, les points herniaires normaux. Le poids est de 3100 gr.

Bilan paraclinique:

 

GR: 4900000 Hb: 10,5 g%
GB:7600 Ht: 33,5
VS:10mm àH1,
Na+: 128 mEq/ K+: 3,6 mEq
Cl: 93 mEq/ RA: 32mEq,
Glycémie: 0,70 mEq
Bilirubine: 55 mg/L,

Le bilan radiologique est réduit à un simple cliché du tronc de face, l'état physique du bébé n'a pas permis de recourir à des investigation plus élaborées.



II. Questionnaire:

1. Quels renseignements peut-on tirer de ce bilan?
2. Esquisser les grandes lignes d'une rehydratation de cet enfant.
3. Quelles étiologies doit-on évoquer sur la base des données disponibles?

III. Commentaires

1-a. Il s'agit d'une déshydratation avec d'importants déficits en eau et en électrolytes sur fond d'alcalose métabolique. La correction doit être entreprise sans tarder, en excluant l'administration de soluté bicarbonaté.
1-b
. Le cliché d'abdomen sans préparation montre une volumineuse poche à air gastrique et de rares images aériques occupant probablement le cadre colique. On peut écarter un syndrome occlusif, et retenir un éventuel obstacle sus-mésocolique..

2. Le volume de compensation hydrique est estimé cliniquement à 10% du poids corporel, c'est à dire à près de 300ml auquel on ajoute un apport de base de 100ml/kg, soit au total 600 ml qui sera composé moitié de soluté glucosé et moitié de sérum salé isotoniques; on y adjoint du chlorure de
potassium (1 gr), du gluconate de calcium (1gr) et 1ml d'hydrosol polyvitaminé. La moitié de cette rehydratation 1  sera administrée en quatre heures, le reste durant les 20 heures suivante; il n'est pas obligatoire de fournir la totalité de ce volume si l'enfant reprend son alimentation avant les délais fixés.
Cette perfusion est assez acidifiante pour amorcer la correction de l'alcalose, toutefois un réel équilibre métabolique ne sera restauré qu'après la reprise de l'alimentation et de la diurèse.

3. Si on ne tient compte que du tableau clinique dominé par le symptôme vomissement et ses conséquences métaboliques, on peut évoquer par ordre de probabilité les affections suivantes:

* L'installation brutale de vomissements lactés, quelques semaines après la naissance, immédiatement après la tétée, évacués en jet, résument le tableau classique d'une sténose hypertrophique du pylore.
* la malposition cardiotubérositaire se définit par un reflux, expulsion du contenu gastrqiue sans effort, même à jeun, influencé par la position, parfois teinté de sang en cas d'irritation peptique du bas oesophage.
* Cependant l' association "sténose du pylore - malposition cardiotubérositaire" décrite par Roviralta constitue une entité à part dans l'éventail des rarissimes tableaux associant l'obstacle pylorique à une malformation digestive majeure (malrotation, hernie diaphragmatique, omphalocèle 2 , Hirschsprung 3 ...). Quoiqu'il en soit, l'opacification du transit oesogastrique est nécessaire pour étayer cette éventualité.
* L'occlusion duodénale est l'affection qui imite le plus la sténose du pylore, mais elle s'en distingue par une symptomatologie néonatale et par les particularités du terrain (prématurité, aberration chromosomique, hydramnios...), par la teinte bilieuse des vomissements, et par l'image caractéristique en double bulle.
* On peut discuter la possibilité d'un syndrome méningé très atypique, d'où manquent l'hypotonie, les convulsions, le bombement de la fontanelle, le purpura, l'hypothermie...
* Les manifestations digestives de l'hyperplasie surrénalienne (vomissement, ondulations péristaltiques, constipation ...) sont émoussées par l'impressionnant tableau endocrinien ( pigmentation, hypertrophie des organes génitaux externes, virilisme, gigantisme, déshydratation avec déperdition chlorosodée et hyperkaliémie, fuite urinanire des ions sodium et chlore, augmenttion du prégnandiol dans les urines...)

Observation (suite)

L'amélioration de l'état général une heure après la mise en route d'une réhydratation a permis de compléter le bilan radiologique par un TOGD qui montre un canal pylorique très allongé, en défilé, sans passage notable de baryte en aval. Il s'agit bien d'une sténose par hypertrophie de la musculeuse du pylore.

Toutefois, le recours à une simple échographie aurait permis de confirmer le diagnostic évoqué par la clinique et le bilan d'entrée, on aurait ainsi fait l'économie d'une investigation qui ne fait que surcharger en baryte un estomac hyperactif au risque de provoquer une fausse route aux conséquences fatales.

La laparotomie sous AG fut pratiquée quatre heures plus tard, le pylore - siège d'une grosse olive - fut rapidement soulagé par une myotomie extramuqueuse.

Questions (suite et fin)

4. Quelle est la cause de cet obstacle à la vidange stomacale?
5. Quelle est la signification de la bilirubinémie notée dans le bilan biologique?
6. Le traitement est-il exclusivement chirurgical?
7. Comment adapter la reprise de l'alimentation en post-oératoire?

Commentaires:

4. On a du mal à établir un cadre étiopathogénique qui incluerait toutes les composantes de cette affection qui se manifeste vers la fin du premier mois, chez des enfants bien développés jusque-là, le plus souvent des garçons, avec dans certains cas une note familiale et associée parfois à d'autres anomalies ...

* Le facteur héréditaire est indéniable si on considère les nombreuses observations de cas familiaux régulièrement rapportées, ainsi que l'incidence plus marquée chez les descendants d'une maman ayant présenté cette affection.

* L'hypothèse d'un pylorospasme induit par l'alimentation du nouveau-né retient l'attention quand on sait que le processus de l'évacuation du contenu stomacal résulte de la synergie antral et pylorique de telle sorte que la phase de relâchement du pylore - considéré comme un sphincter - doit coincider avec la phase de contraction de l'antre, et inversment. La perturbation anténatale de cette mécanique provoquerait un spasme de la musculature pylorique suivi d'une hypertrophie par infiltration oedémateuse postnatale.

* De nombreux auteurs évoquent l'hypothèse d'une achalasie. En effet, le couple antro-pylorique fonctionne comme une sorte de pompe aspirante et ables à celles observées dans la maladie de Hirschsprung ( absence de fibres cholinergiques, de pompe aspirante et refoulante, facilitant plus qu'elle n'entrave la vidange de l'estomac, et coordination serait modulée par le système nerveux intrinsèque. Or il a été constamment noté fragments de musculeuse pylorique prélevés lors de la myotomie des anomalies histologiques immaturité des cellules ganglionnaires...).
Cependant, la destruction expérimentale des ilôts ganglionnaires intrinsèques est suivie d'un spasme pylorique mais sans métaplasie hypertrophique.

* Dernière en date, la théorie hormonale fait jouer à la gastrine un rôle déterminant. On sait que la distention de l'estomac est suivie de sécrétion de gastrine par la muqueuse antrale, hormone connue pour ses effets stimulants de la sécrétion gastrique et de la trophicité des muqueuses digestives. Par ailleurs, son influence sur la mécanique antropylorique est variable selon sa concentration, le rythme de vidange augmente en fonction de sa concentration au risque de déclencher le désamorçage de la pompe quand elle est libérée en grande quantité, donnant lieu ainsi à un pylorospasme intermeittent avec développement de l'hypertrophie musculeuse et infiltration oedémateuse.
L'intérête de cette hypothèse - élaborée sur des données expérimentales obtenues sur l'animal - est de faire jouer à un facteur exogène - en l'occurence le stress maternel - le stimulant d'une hypertonie vagale laquelle induit une libération excessive de gastrine, celle-ci traverserait la barrière foetoplacentaire entravant la maturation de la physiologie antopylorique du foetus.
Ce serait à notre avis l'unique exemple d'une pathologie psychosomatique dont la composante psychique est d'origine maternelle et la composante somatique se manifesterait chez l'enfant.

* Il y auraut peut-être un peu de tout et bien plus dans l'étiopathogénie de cette affection. Au départ, il y aurait une prédisposition génétique qur laquelle vont agir un certain nombre de facteurs environnants, dont l'immaturité de l'innervation intrinsèque. A partir de là, s'installe l'hypertonie du muscle pylorique qui désamorce la pompe antropylorique et induit l'hypertrophie de l'anneau musculaire et l'oedème de la muqueuse, facteurs de la sténose. Il s'ensuit une distensioion gastrique, la libération de gastrine qui à son tour accentuerait l'hypertonie du pylore.
Ce cercle vicieux peut être rompu, médicalement par l'administration de drogues inhibitrices, ou chirurgicalement par la section de l'anneau musculaire étranglant le canal pylorique.

3. C'est une hyperbilirubinémie à bilirubine libre. Elle serait l'expression d'une immaturité hépatique sur laquelle se développe une sténose pylorique. Elle résulterait, selon d'autres, de l'action inhibitrice ou compétitive de la gastrine au niveau des processus de glucuronyl-transférase, dans ce cas, la sténose du pylore serait le premier symptôme d'une déficience congénitale de cet enzyme hépatique (syndrome de Gilbert).

4. Des pédiatres scandinaves rapportent des guérisons chez des patients diagnostiqués avant le stade de perturbations métaboliques obtenues par l'administration de spasmolytiques. Ils utilisent le sulfate d'atropine mise en perfusion à la dose de 0.04 mg/kg/j, la concentration est réduite progressivement jusqu'à atteindre 0.01 mg/kg/j au bout de huit jours, sous couvert de lavage gastrique et d'alimentation graduée. Ils ont pu suivre aux ultrasons la diminution substantielle du volume de l'olive pylorique. Cette attitude impose une hospitalisation prolongée et une surveillance de tous les instants sans omettre les risques liés aux effets secondaires des spasmolytiques ( hypertonie, léthargie, diarrhée, fièvre, rash...).

 

5. La levée de l'obstacle n'est pas suivie immédiatement de l'arrêt des vomissements, la vidange stomacale se rétablit lentement et risque d'être "dépassée" si l'alimentation est reprise sans discernement. Le schéma de Rickham permet de passer ces moments critiques dans de bonnes conditions, il consiste à redémarrer progressivement l'alimentation en alternant et en augmentant toutes les deux heures sérum glucosé/lait :

4° heure: 4 ml de sérum
6° heure: 4 ml de lait
8° heure: 8 ml de sérum
10° heure: 8 ml de lait
12° heure:15ml de sérum
14° heure:15ml de lait
16° heure:25ml de sérum
18° heure:25ml de lait
20° heure:30ml de sérum
22° heure:30ml de lait
24° heure:45ml de sérum
26° heure:45ml de lait

terme après lequel l'enfant peutpeut être rendu à sa famille.


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