La Rate

La rate est une glande lymphoïde, non digestive, située au fond de l’hypochondre gauche. L’extrême friabilité de son parenchyme l’expose aux risques de rupture.

Elle constitue le plus important réservoir de stockage de sang circulant. Son rôle hématopoïétique dans la production des éléments figurés du sang est doublé d’une importante activité immunologique, principalement chez l’enfant.

La rate est située dans la partie supérieure et postérieure de l’hypochondre gauche ; elle y occupe une loge irrégulière sculptée par les organes avoisinants : la paroi thoraco-abdominale latéralement, la grande courbure de l’estomac en avant, la queue du pancréas en dedans, le rein gauche surmonté de la surrénale en arrière, la coupole diaphragmatique en haut, et l’angle colique gauche en bas. Les deux schémas suivants résument cette disposition : celui de gauche est une vue face de l’étage sus-mésocolique ; quant au schéma de droite, c’est une coupe transversale de l’hypochondre gauche. Le parenchyme (pulpe splénique) est englobé dans une double enveloppe, une séreuse recouvrant une capsule fibreuse très mince. Celle-ci envoie en profondeur des expansions qui cloisonnent la pulpe en alvéoles de quelques mm d’épaisseur, l’ensemble évoque une éponge gorgée de sang. De plus, les prolongements fibreux à partir des berges du hile engainent les ramifications vasculaires et nerveuses. Le parenchyme est très friable ; il est fait de l’association de deux tissus :  · une charpente de tissu conjonctif bourrée d’éléments figurés sanguins (globules et lymphoblastes) ; et · de minuscules granulations blanchâtres appendues aux artérioles que l’on désigne sous le nom de corpuscules ce Malpighi.

Configuration générale

Son aspect est très variable, certains anatomistes inspirés l’ont assimilée à un énorme ‘grain de café’.

En fait, on peut garder la description classique qui la compare à un tétraèdre irrégulier, aplati transversalement et à sommet tronqué, comportant quatre faces (une latérale, deux médiales et une basale), trois bords (antérieur, postérieur & médial) et un pôle proximal. Son grand axe est incliné en arrière et en bas.

- La face latérale est la plus étendue, elle est régulièrement convexe, étant moulée sur la paroi costo-diaphragmatique. - La face médiale est appliquée contre trois viscères qui y marquent leurs empreintes en creux, ce qui justifie sa dénomination de face viscérale. Les aires ainsi déterminées sont séparées par des crêtes dessinant un Y inversé dont les branches convergent vers l’angle médial (a). Ces aires médiales : gastrique, rénale et colique ont en commun d’être orientées vers la cavité abdominale. - L’aire antéro-médiale (G) de la face viscérale est moulée sur le versant postérieur de la grande courbure. Elle s’étend du bord antérieur, crénelé, au bord médial (ad) distant du hile d’une quinzaine de mm. Le hile (h) appartient à cette aire gastrique, il a l’aspect d’une fente verticale dont la longueur peut atteindre la hauteur de la face viscérale ; sa lèvre postérieure est au contact de la queue du pancréas (p). - L’aire rénale, légèrement excavée, recouvre le relief du rein et de la surrénale sur la moitié proximale de sa hauteur. - L’aire basale est colique (C), elle correspond au pôle distal qui s’est transformé en facette adaptée à l’angle colique gauche. - Le bord antéro-supérieur est mince et crénelé. Il s’insinue entre le diaphragme et la face postérieure de l’estomac. Il devient perceptible à la palpation de l’épigastre en cas de splénomégalie ou lorsque la glande devient flottante ou ectopique. - Le bord postéro-inférieur est arrondi et épais, avec moins d’incisures ; il s’insinue entre le rein et la paroi postérieure. - Le bord médial (ad) sépare les aires gastrique et rénale. Sa bifurcation distale délimite le pôle inférieur, qui est transformé, dans 10% des cas, en facette basale (C) qui repose sur l’angle gauche du colon - Le bord inférieur relie les deux angles distaux dont l’antérieur (b) est remarquablement développé chez le fœtus.

bd : bord antéro-sup.. / ad : bord médial / cd : bord postéro-inf. / a: angle médial / b : angle ant. / c : angle post. / C : aire colique / G : faire gastrique / R : faire rénale / h : hile / p : empreinte queue pancréas

Les rates accessoires sont de petits nodules de tissu splénique qu’on trouve dans l’épaisseur du mésogastre postérieur.

Les anomalies de développement de la rate sont souvent associées à celles de la symétrie corporelle (situs inversus) tels :

- la simple agénésie ; associée à de multiples malformations non cardiaques.

- les syndromes d’asplénie (absence de rate), ou de polysplénie, constamment associés à de sévères cardiopathies ;

- la fusion spléno-testiculaire associée souvent à des hémi-mélies.

L’appartenance de la rate à l’étage sus-mésocolique rappelle son développement dans l’épaisseur du mésogastre postérieur.

Au stade embryonnaire, l’étage supérieur de la cavité abdominale est subdivisé par une cloison médio-sagittale en deux compartiments droit (cd) et gauche (cg). Le tube digestif primitif, en l’occurrence l’ébauche stomacale se développe dans l’épaisseur de cette cloison dont les extrémités englobent la veine ombilicale, issue du placenta, en avant (vo), et l’aorte primitive en arrière (ao). La présence de l’ébauche stomacale dans l’épaisseur de la cloison péritonéale subdivise cette dernière en deux segments dénommés mésogastres, ventral (mgv) et dorsal (mgd). L’aspect ovalaire de l’estomac primitif, tel qu’il est orienté, met en évidence ses deux bords (ventral & dorsal) reliant ses deux parois (droite & gauche). Ces dernières sont tapissées de péritoine viscéral (pv) dont les feuillets, en se réfléchissant sur les parois de la cavité abdominale, deviennent péritoine pariétal (pp).

Les mésogastres vont être progressivement colonisés par les bourgeons canalaires des futurs : foie (F) et pancréas (P), issus de l’endothélium duodénal situé au niveau sous-jacent. Le développement de ces ébauches glandulaires subdivise chaque mésogastre en segments ; il en résulte la formation de deux mésos et deux épiploons au sein desquels cheminent les pédicules vasculaires destinés aux viscères en formation:

- l’épiploon gastro-hépatique (1) et le méso ombilical (1’) au dépens du mésogastre ventral ; et

- l’épiploon pancréato-gastrique (2) et le méso pancréatique (2’) du mésogastre dorsal

Trois faits marquants définissent les stades suivants :

- la rotation de l’estomac entrainé par l’importante et rapide croissance du foie dont le volume envahit l’hypochondre droit ; quant au pancréas, il s ‘étire en direction de l’hypochondre gauche.

- le développement de la rate (_*) à partir du feuillet gauche du mésogastre postérieur, plus précisément de l’épiploon reliant le pancréas à l’estomac. L’interposition de l’ébauche splénique entre ces derniers crée les épiploons spléno-gastrique (b) et spléno-pancréatique (c) ; enfin

- L’enclavement du compartiment droit (cd) de la cavité abdominale entre les quatre viscères et leurs épiploons forme l ‘arrière-cavité des épiploons (ace). L’adaptation des viscères en pleine croissance à l’espace disponible réduira considérablement cette cavité qui deviendra presque virtuelle.

Le péritoine splénique

Pour mieux saisir la signification du péritoine de la rate, usons du subterfuge suivant :

Plaçons dans un sac translucide trois objets reproduisant les viscères de l’hypochondre gauche : l’estomac, la rate et le pancréas, occupant respectivement les positions fixes et espacées : ventrale, latérale et dorsale

Supposons que le sac qui les contient soit souple, malléable et translucide, bref que sa texture ait les mêmes qualités que la membrane péritonéale.

On remarque que l’étoffe du sac ne recouvre qu’une seule face sur deux de chaque viscère.

Il suffit, pour recouvrir les faces nues, d’invaginer au doigt le pôle droit du sac, ce qui revient à créer une autre poche en forme de cul de sac transversal, dont le fond recouvre la périphérie du hile splénique après avoir tapissé la paroi dorsale de l’estomac et la paroi ventrale du pancréas.

Ainsi, chacun de ces organes est enveloppé d’une paire de feuillets viscéraux, un feuillet périphérique qui recouvre la face ventrale de l’estomac, la face latérale de la rate et la face postérieure du pancréas. Quant aux parois centrales, orientées en vis à vis, elles sont tapissées par le feuillet de la poche invaginée.

En somme, le péritoine splénique réalise le rattachement de la glande à la queue du pancréas d’une part, et au bord gauche de l’estomac d’autre part, par l’intermédiaire des épiploons pancréatico-splénique (a) et spléno-gastrique (b). Ces attaches péritonéales contiennent pédicules vasculaires dont le dernier segment de l’artère splénique et sa collatérale gastro-épiploique gauche. Ces deux épiploons contribuent – avec d’autres moyens péritonéaux - de stabiliser la rate dans sa loge.

Les moyens de fixité

Observés de face, les épiploons ont l’aspect de voiles tendus entre les lèvres du hile de la rate et les organes voisins.

· L’épiploon gastro-splénique est une lame péritonéale de 3 à 4 cm de large tendue du hile au segment correspondant de la grande courbure de l’estomac. Il contient entre ses feuillets, de haut en bas :

- une demi-douzaine rameaux courts issus du tronc de l’artère au voisinage du hile ;

- l’artère polaire supérieure ; et

- l’artère gastro-épiploique gauche née de la branche terminale de l’artère splénique.

· L’épiploon pancréatico-splénique est tendu du hile au péritoine pariétal qui fixe le corps du pancréas à la paroi postérieure. Il recouvre de haut en bas la loge rénale gauche jusqu’à la limite d’insertion du mésocolon transverse. Ses feuillets englobent la queue du pancréas et le pédicule vasculo-nerveux splénique.

	,
1 : ligament suspenseur de l’estomac / 2 & 3 : parts sup. & inf. de l’épiploon gastro-splénique / 4 : épiploon gastro-hépatique (petit épiploon) a : petit épiploon / ao : aorte abdominale / b : épiploon gastro-splénique / c : épiploon spléno-pancréatique E : estomac / F : foie / R : rate / P : pancréas / vci : veine cave inf. / vp : veine porte

· Le ligament phréno-colique gauche résulte de la soudure de la partie gauche du mésocolon transverse et du grand épiploon) à la paroi abdominale latérale. Il forme une sorte de cupule sur laquelle repose le pole inférieur de la rate, ce qui justifie son autre appellation de support de la rate (sustentaculum lieni).

· Le ligament phréno-splénique est l’élément suspenseur de la rate, il correspond à l’extension en hauteur du feuillet postérieur de l’épiploon pancréatico-splénique qui forme un repli péritonéal fixant le pôle proximal au diaphragme. Ces deux ligaments correspondent aux extrémités d’une charnière virtuelle autour de laquelle la glande est entrainée par la motilité du diaphragme et de l’estomac. - Le rôle de la pression intra abdominale n’est pas négligeable. - Cependant, le principal facteur de maintien de la rate dans sa loge est le plan d’appui que constitue la relief rénal sur lequel elle applique sa face viscérale. En cas d’absence de cet élément d’équilibre, la rate se laisse entrainer par son propre poids, devenant progressivement mobile, flottante jusqu’au stade de l’ectopie avec le risque de torsion.

Rapports

La face latérale est convexe et lisse. Elle se projette sur la paroi hypochondrale gauche dans une aire ovale régulière couvrant les 8°-9°et 10° espaces intercostaux, son axe est parallèle à celui de la 10° côte (côte splénique) ; le bord antérieur est tangent à la ligne axillaire moyenne (aa’). Elle entre ainsi en rapport – par l’intermédiaire du diaphragme avec le cul de sac pleural costo-diaphragmatique qui la recouvre entièrement, alors que le parenchyme pulmonaire n’en recouvre que le tiers proximal.

La face viscérale postérieure est rénale, elle est limitée en avant par le bord médial qui la sépare de la zone hilaire.

Elle repose sur la face antéro-latérale du rein gauche et de la surrénale correspondante, à travers le plan péritonéal qui les sépare. Ce rapport constitue le meilleur moyen de stabilité de la glande dans sa loge.

La face viscérale antérieure est gastrique, beaucoup plus étendue que la précédente. Elle est divisée par le hile en deux parties :

- une partie postérieure rétro-hilaire, large d’une dizaine de mm, recouverte par l’épiploon pancréatico-splénique qui s’interpose entre elle et l’extrémité de l’arrière-cavité des épiploons.

- Une partie antérieure pré-hilaire en rapport de haut en bas avec le fundus, le versant dorsal de la grande courbure de l’estomac et l’angle gauche du colon.

Le hile répond avec les vaisseaux spléniques, à la queue du pancréas qui arrive parfois jusqu’à son contact par l’intermédiaire de l’épiploon.

L’extrémité supérieure ou tête, volumineuse, est orienté en haut et en arrière. Elle est située à la hauteur de D10, presque au contact de la colonne vertébrale.

L’extrémité inférieure est en rapport avec l’angle gauche du colon qui se creuse à son contact en cupule.

La vascularisation artérielle est assurée par l’artère splénique, branche gauche du tronc cœliaque.

De calibre important (6-8mm), elle chemine transversalement de droite à gauche en décrivant des sinuosités le long du bord supérieur du pancréas qu’elle abandonne à l’approche du hile en croisant par devant le segment caudal. Elle se termine en se divisant en deux branches d’où se détachent plusieurs rameaux qui pénètrent dans le parenchyme où ils se ramifient.

Elle fournit plusieurs collatérales : une demi-douzaine de rameaux pancréatiques ; 4-8 vaisseaux courts issus des branches terminales et de l’artère polaire supérieure ; l’artère gastro-épiploique gauche, née parfois de la branche inférieure de division ; elle suit la grande courbure en direction de son homologue droite, leur fusion forme l’arcade artérielle de la grande courbure de l’estomac.

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Le retour veineux prend naissance dans la pulpe à partir d’un réseau de capillaires de gros calibre qui draine le sans circulant ente les mailles de la pulpe splénique. De leurs confluences se forme la sortie du hile une dizaine de veines qui sont placées derrière les branches terminales de l’artère splénique, elles confluent à leur tour en un volumineux tronc commun, la veine splénique qui aboutit au bord supérieur du pancréas en se plaçant au-dessous et en arrière de l’artère. Elle est rejointe par la veine mésentérique inférieure en formant le tronc spléno-mésaraïque. La fusion de ce denier avec la veine mésentérique supérieure constitue l’origine du tronc de la veine porte qui monte en direction du hile du foie, cette confluence se situe derrière la tête du pancréas. Ses affluents veineux sont homologues des artères.

La rate est un organe lymphoïde, sa pulpe ne loge pas de canaux lymphatiques, les relais qu’on décrits se trouvent en superficie, autour du hile et de la queue du pancréas, dans l’épaisseur de l’épiploon pancréatico-splénique. L’innervation est elle aussi caractéristique par l’absence de fibres parasympathiques.